Monastère des dominicaines de Lourdes

 

Le monastère de Lourdes et le Rosaire

 

La dévotion au Rosaire, qui tient une si grande place dans l’Ordre fondé par saint Dominique, donne sens à la présence d’un monastère de Dominicaines à Lourdes. Tout le monde sait que le Rosaire est attribué à saint Dominique, mais la légende qui est à la source est tombée dans l'oubli.

La légende: le don du Rosaire à Saint Dominique

Dans la Forêt de Bouconne, près de Toulouse, on peut voir la Croix de saint Dominique. C'est une croix métallique simple au-dessus d'un support de pierre: un fût sur un emmarchement circulaire. Sur l'inscription manquante on pouvait lire: «Ici a prêché saint Dominique». C'est dans cette forêt de Bouconne que, selon de très anciennes traditions et légendes, la Vierge Marie a confié une mission à Dominique: prêcher le rosaire: «Propagez mon Rosaire; ce sera le remède contre tant de maux». Ce que Dominique réalisa sans délai à la cathédrale de Toulouse, après l'apparition miraculeuse.

Chaque Ave Maria, ou plutôt chaque début d'Ave Maria adressé à la Vierge constitue une prière efficace, surtout dans la défense d'une cause juste. En multipliant les ave équivalents à des roses mystiques, on pensait couronner Marie et surtout recevoir du Christ, en retour, des couronnes, chapels, chapelets de grâces tressés au fur et à mesure que redoublaient les prières mariales. C'est à ces prières qu'est attribuée la victoire de la bataille de Muret menée en 1213 par Simon de Montfort contre l'armée albigeoise.

 

Un peu d’histoire

La fête du Rosaire, célébrée le premier dimanche d'octobre, fut d’abord une simple fête de confrérie. Mais, en 1571, le septième jour d'octobre, qui était le premier dimanche de ce mois, une grâce extraordinaire accordée au peuple chrétien tout entier, vint donner à cette fête un grand éclat. En effet, ce fut le jour où don Juan d'Autriche remporta sur les Turcs la célèbre victoire de Lépante, et sauva ainsi la chrétienté du plus imminent danger. Le même jour et à l'heure même du combat, les confréries du Rosaire faisaient à Rome des processions solennelles pour demander la victoire sur les infidèles. Le saint pape Pie V, dominicain, divinement averti de la victoire des chrétiens, la regarda comme une grâce accordée par Marie, à cause des prières ferventes qui lui étaient adressées. Pour reconnaître ce bienfait, il prescrivit une fête spéciale en l'honneur de la sainte Vierge. On inséra donc, par son ordre, cette mention dans le martyrologe, à la date du 7 octobre. A l'origine, cette fête porta le nom de Notre-Dame de la Victoire, puis Grégoire XIII en 1573 lui donna le nom de Notre-Dame du Saint-Rosaire.
Clément XI, en 1716, étendit la fête du Saint-Rosaire à toute l'Église. Le 11 septembre 1887, parut un décret de la Congrégation des rites qui rappelait que Léon XIII demandait instamment de consacrer le mois d'octobre à « la céleste Reine du Rosaire », Reine de la paix. C’était relancer une pratique déjà ancienne dans l’Eglise. Léon XIII revêtit la dévotion au saint Rosaire et la fête d'un nouvel éclat : il promulgua un nouvel office et une nouvelle messe du Rosaire. C’est en cette même année que la venue des sœurs d’Arles à Lourdes fut décidée.

 

De Prouilhe à Lourdes

La Vierge du Rosaire de Lourdes était regardée comme renouvelant le message de la Vierge du Rosaire de Prouilhe, berceau de la fondation des moniales dominicaine dont nous fêtons le huitième centenaire. C’est là en effet, raconte la légende, que Marie aurait dit à Dominique : « Va et prêche mon Rosaire ! ». Ce lien entre Notre-Dame du Rosaire et Notre-Dame de Prouilhe est inscrit à Lourdes dans la pierre : le tympan de la basilique du Rosaire représente la Vierge Marie qui donne le Rosaire à saint Dominique. Et ce n’est peut-être pas un hasard si ce tympan était originellement destiné à la basilique de Prouilhe !
On croyait alors, à la suite d’Alain de la Roche (1), que le Rosaire avait été donné par la Vierge Marie à Dominique. Lacordaire, dans sa Vie de saint Dominique, disait aussi que Dominique avait formé une confrérie du Rosaire. Les Dominicaines avaient donc leur place à Lourdes, dans la ville où se récitait perpétuellement le Rosaire :
« La Vierge de Lourdes n’est-elle pas apparue, le rosaire à la main, comme pour préluder en ce siècle aux splendides enseignements de Léon XIII, le pontife prédicateur du rosaire ? Il fallait donc, face à cette Grotte miraculeuse, les filles de saint Dominique, le rosaire à la main, saluant en Notre-Dame de Lourdes, une récente et ineffable confirmation des révélations de Prouilhe. »
Pendant près de cinquante ans, les sœurs concrétiseront leur attachement au Rosaire en instituant dans la communauté le Rosaire perpétuel un dimanche par mois.

 

La présence dominicaine à Lourdes et le Rosaire

Les Dominicains avaient d’ailleurs précédé les moniales. Le 3 novembre 1878, alors que les sœurs du monastère de Mauléon ( pays basque ) partaient pour fonder à Arles, elles se sont arrêtées à Lourdes et ont participé à une procession du Rosaire. Une des fondatrices, sœur Rose Wehrlé, écrit :
« Les Vêpres étaient présidées par ce vénérable évêque d’Océanie dont vous a parlé Mère Catherine. Il n’a qu’un souffle de vie ; mais que c’est touchant de le voir officier ! Il a aussi donné la bénédiction du Saint Sacrement, puis on s’est mis en marche au chant des litanies de la sainte Vierge pour la procession du Rosaire. Il paraît que le Père Lambert [prieur de Toulouse] est venu il y a quinze jours établir ici le Rosaire et comme c’est la première fois que l’on fait la procession du premier dimanche, on tenait à ce que les dominicaines présentes là y assistent… Nous marchions les sept l’une derrière l’autre, on nous regardait beaucoup, paraît-il, surtout les prêtres. La procession suivit les sentiers qui descendent en contournant et en remontant encore, de la basilique à la Grotte, puis arrivée au bas des sentiers, elle se déroula majestueusement sur la magnifique esplanade qui se trouve devant la Grotte et que l’on a faite depuis mon dernier passage ici. C’est une place immense, non pas pavée, ni bitumée, mais parquée en quelque sorte avec de blanches et magnifiques pierres. C’est bien beau. Il y avait foule à la procession et tout le monde y était recueilli. On a raison de dire qu’à Lourdes on prie comme nulle part ailleurs. Dans cette magnifique basilique, personne ne dit un mot, on ne tourne pas la tête comme je le voyais faire toujours dans les autres églises, mais on n’est occupé qu’à prier. Oh ! si vous saviez combien cette église est belle. Elle est ruisselante d’or, tapissée de bannières et d’ex-voto, élégante, grandiose, majestueuse, en un mot d’une beauté rare et digne de Jésus et de la Vierge immaculée. Les petits enfants de chœur sont très jolis aussi : ils sont tout habillés de bleu et blanc : soutane et calotte bleues, petit surplis blanc ; l’effet de ce costume est très gracieux. »
Depuis lors les Dominicains n’ont pas cessé de prêcher le Rosaire à Lourdes. Le pèlerinage du Rosaire, dont on fête le centenaire devint le lieu privilégié de cette prédication.

 

Conclusion

Le monastère des Dominicaines de Lourdes est directement lié au développement de la dévotion au Rosaire si chère à l’Ordre de saint Dominique. Un renouvellement du Rosaire a été voulu par Jean-Paul II : l’introduction des mystères lumineux en est un signe. Les moniales dominicaines de Lourdes n’ont-elles pas encore un rôle à jouer dans le développement du Rosaire, comme au siècle précédent ?

 

(1) Alain de la Roche est né en Bretagne en 1428. Il entre vers 1450 chez les Dominicains. Il meurt le 08.08.1475. Il est connu pour avoir contribué à la propagation du Rosaire en instituant les Confréries du Rosaire.

Tympan de la basilique du Rosaire de Lourdes